Dynamique spatiale de 1930 à 2020 et gouvernance urbaine de la « ville » de Touba
Abstract
Cette thèse interroge la problématique de la gouvernance de la ville de Touba caractérisée par
la difficile conciliation entre la forte pression démographique, l’étalement spatial, l’économie
informelle et le mode d’administration religieuse de la cité. En effet, les spécificités de la ville
de Touba, sur les plans démographique, économique, politique, géopolitique, géographique, et
le soubassement idéologique religieux de sa gouvernance structurent et orientent les
dynamiques socio-spatiales. Ces dernières restent insuffisamment maitrisées, et du coup, en
font un cas d’école en matière de planification et de gouvernance urbaine au Sénégal.
La démarche méthodologique allie l’observation directe, le traitement de données quantitatives
et qualitatives obtenues par des enquêtes menées auprès des ménages, des guides d’entretien
avec les autorités religieuses, les acteurs communautaires et étatiques, et la cartographie
numérique, en s’appuyant sur les outils de la géomatique.
Cette démarche a permis de faire le diagnostic territorial de la ville de Touba, de quantifier et
de suivre la croissance spatiale de la ville depuis 1930, d’analyser les enjeux et conséquences,
sociaux, économiques, politiques, fonciers, géopolitiques et environnementaux de l’étalement
spatial de Touba, la particularité et la durabilité du modèle de gouvernance urbaine de Touba
inspiré du mouridisme.
Les résultats obtenus montrent d’une part, que l’étalement spatial de Touba est le résultat des
nombreux programmes de lotissement initiés par les différents khalifes et accompagnés
d’appels au peuplement ce qui a accentué la croissance mal maitrisée de l’assiette foncière de
la ville sans occupation effective (friches urbaines). En nous basant sur trois intervalles de
temps de trente (30) ans de 1930-1960 ; 1960-1990 et 1990-2020, nous trouvons une faible
évolution spatiale de 175ha entre 1930 (400ha) et 1960 (575ha) tandis que la population a
quadruplé passant de 740 hbts en 1930 et 4353 hbts en 1960. Dans la deuxième trentaine (1960-
1990), nous avons noté une intensification des dynamiques spatiales et démographiques. Le
bâti a été multiplié par 11, passant de 575 ha en 1960 à 7005 ha, soit une augmentation moyenne
de 18 % par ans, alors que la population a été multipliée par 69, avec 4 353 hbts en 1960 à 300
500 hbts en 1990, soit un doublement tous les ans. Enfin, dans la dernière trentenaire (1990-
2020), l’assiette foncière a été multipliée par 7, passant de 7 005 ha en 1990 à 48 487 ha en
2020, soit une extension de 41 482 ha. Pendant ce temps, le rythme de croissance
démographique connaît un ralentissement avec un taux moyen de 3 % par an, soit un
doublement en 30 ans.
Cet étalement non maitrisé a été favorisé par plusieurs facteurs dont le statut particulier du titre
foncier de la ville, les multiples facilités qu’offrent la ville sur les plans socioéconomique,
culturel et religieux, les apports de la diaspora mouride, la sociologie ou l’idéologie mouride
basée sur le Ndiguel, entre autres. De plus, le rôle subsidiaire de l’État, dans la prise de décisions
est source des nombreuses défaillances et lacunes observées dans l’aménagement de l’espace
et la gouvernance territoriale (carences de la trame urbaine, étalement spatial, spéculation
foncière, insécurité, habitat spontané, assainissement, voierie, etc.).