L’inscription de Montengón dans l’utopie Eusebio (1786) & Mirtilo (1795)
Abstract
Rêve, imagination et perfections sont les maîtres mots qui
caractérisaient l’utopie traditionnelle de Thomas More à travers la
description des cités et des nations parfaites. De fait, l’île d’utopie est le règne
de nulle part, qui sert aux auteurs de romans utopiques à échapper à la
réalité d’une Europe invivable, plongée dans l’Âge de Fer. Il s’agissait de
fausses utopies sous-tendues par la quête d’un monde meilleur, voire d’un
paradis terrestre. L’Âge d’Or est cependant incarné au XVIIIe siècle en
Espagne par la répugnance pour le roman utopique, un sentiment renforcé
par la censure à travers le contrôle strict des romans publiés sur le territoire
espagnol, voire la censure et l’interdiction des livres des philosophes des
Lumières. Mais malgré cette restriction littéraire, des figures emblématiques
comme Pedro Montengón (1745-1824) ont réussi à se faire publier en
Espagne, en essayant plus ou moins de se conformer à la volonté des
censeurs, grâce tantôt à l’autocensure ou à des transpositions dans le temps
et l’espace. Aussi l’analyse des travaux de Paul Guinard sur le XVIIIe siècle
espagnol nous sert-elle de support pour aller plus loin dans l’étude des
aspects et des manifestations des romans utopiques de l’Espagne, dont la
figure principale est sans doute Pedro Montengón. Même si tous ses écrits
peuvent être considérés comme utopiques au vu de l’ancrage du récit dans
l’espace et le temps, le propos de cet article porte sur le choix de deux de ses
romans (Eusebio, 1786, & Mirtilo, 1795) afin de démontrer son inscription
dans l’utopie de manière possible, dynamique et expérimentale.