La pratique de la régénération naturellle assistée dans le Bassin arachidier du Sénégal : adoption, conséquences agroécologiques et stratégiques d'optimisation face au changement climatique
Abstract
La Régénération Naturelle Assistée (RNA) est une pratique agroforestière qui consiste à
protéger et gérer les semis et repousses naturels que produisent les souches d’arbres et
d’arbustes dans les champs afin de (re)créer une végétation ligneuse. Elle est largement promue
ces dernières années au Sahel comme une alternative moins couteuse à la plantation d’arbres
pour réhabiliter les terres dégradées. Au Sénégal, particulièrement dans la zone agroécologique
du bassin arachidier, l’adoption de la RNA reste limitée malgré le potentiel de souches d’arbres
sujettes à cette pratique. Dans cette zone, au moment de la défriche hivernale, les souches
d’arbres, constituées principalement d’espèces de la famille des Combretaceae et des
Cesalpiniaceae, sont généralement coupées et brulées par les producteurs pour éviter toute
concurrence avec les cultures associées. Peu d’informations existent sur les raisons de son
adoption à large échelle et sur la densité adéquate des souches d’espèces à épargner. Aucune
stratégie d’optimisation de cette pratique n’existe actuellement face aux effets du changement
climatique notamment la faible régénération des espèces à usages multiples beaucoup plus
appréciées pour la RNA dans cette zone. L’objectif de cette étude est de comprendre la
perception paysanne de la RNA et les déterminants de son adoption, d’identifier les densités
optimales d’arbustes à conserver en RNA dans un agro-système et de fournir les évidences
scientifiques de l’utilisation d’un paquet technologique optimisant cette pratique. Des enquêtes
socio-économiques ont été effectuées auprès de 197 chefs de ménage (132 adoptants et 65 non
adoptants) et le modèle probit a été utilisé pour identifier les déterminants socio-économiques
de l’adoption de la RNA. Des dispositifs en bloc randomisé ont été mis en place en milieu
contrôlé et en milieu réel pour identifier les densités optimales de RNA. Des tests participatifs
ont été également menés avec 40 producteurs pour évaluer l’effet d’une option climato
résiliente d’optimisation de la RNA. Les résultats montrent que l’appartenance ethnique, l’accès
aux appuis externes et l’ouverture aux innovations technologiques sont déterminants dans
l’adoption de la RNA. Les principales contraintes à la mise à échelle de la RNA sont les coupes
illicites (42%), la divagation animale (29%) et la gêne causée à la traction animale (12%).
L’étude de la densité montre de bons compromis pour le rendement en grain avec les densités
50 et 75 arbustes.ha-1. Le paquet combinant la RNA, les bonnes pratiques agronomiques et
l’utilisation de l’information climatique permet d’optimiser le rendement des cultures associées
avec une augmentation de 60% par rapport à la Pratique Paysanne (PP) en année de déficit
pluviométrique et de 55% en année de pluviométrie excédentaire. Ce paquet technologique
climato résiliente permet également une diminution des quantités d'engrais utilisés de l'ordre de
33% pour le NPK et de 71% pour l'urée par rapport à la PP. Ces résultats peuvent être mis à
profit pour réussir le reverdissement à partir de la RNA afin de renforcer la résilience des
communautés et des écosystèmes face aux perturbations climatiques.